Fissures des ouvrages entraînées par le passage des techniques CVCS noyés en dalle – Quels solutions ?
Cet article a pour objet de présenter les causes connues des pathologies de fissuration présents dans les ouvrages en béton armé dans le cadre de l’interaction avec les éléments des techniques de chauffage, ventilation, climatisation, sanitaire et électricité noyés en dalle.
Dans un article (conduites et gaines techniques dans les dalles et murs. A qui la responsabilité ?) j’ai fait une introduction à la statique du béton armé et j’analyse les responsabilités des divers intervenants quant au passage de leurs techniques en interaction avec le béton armé. Aujourd’hui nous allons voir les deux pathologies de fissuration en dalle qui pourrons se manifester quelques années plus tard si le projeteur technique n’évite pas les zones statiquement sensibles de l’ouvrage et si d’un autre coté l’ingénieur civil n’est pas attentif lors du contrôle des plans techniques, ce qui arrive très souvent.
Pour comprendre la situation je vous présente deux plans techniques, le premier s’agit d’un plan d’alimentation de courant fait par électricien, le dessin est tracé en unifilaire sans indication des sections, car dans ce cas il s’agit de tubes très fins très distancés les uns des autres, sans impacte pour la structure.
Je ne présenterais pas de plan de sanitaire pour ne pas charger cet article, mais lors de la coordination tous les plans devront être pris en compte, analysés, coordonnés et validés par tous les intervenants. Une fois coordonné, voilà les plans envoyés à l’ingénieur civil.
Le plan d’incorporés de l’électricien :

plan de l’électricien
L’ingénieur civil valide ce plan.
Ensuite, l’ingénieur chauffage envoie un plan de ses incorporés de dalle active. La encore l’ingénieur civil ne sait pas les sections des tubes. Normalement les tuyaux de dalle actives on des petites sections de 2 cm de diamètre et sont normalement posés au milieu de la dalle, ces tubes ont un écartement par exemple de 15 cm.

plan chauffage (dalle active noyé en dalle)
L’ingénieur en ventilation envoie son plan dessiné en unifilaire de ses incorporés en dalle sans indication des sections. L’ingénieur civil se dit que c’est des petites sections et valide. Dans ce ces les sections devraient être au maximum de 9 cm de diamètre, mais personnellement j’ai déjà vu des sections de 25 cm en tuyau non flexible validé par l’ingénieur civil (il n’a vu que le plan unifilaire).
Il manque le plan sanitaire avec la distribution et les écoulements mais passons-les.
En superposant les plans électricien + chauffagiste + ventilation + sanitaire, le chauffage placé au centre de la dalle va obliger le ventiliste à passer par-dessus ou par dessous. Dans le cas ou l’on n’a pas la vision des zones statiquement sensibles on favorise l’apparition de futures fissures.
Afin de comprendre les pathologies de fissurations, commençons par une bref description du béton armé :
Le béton armé est constitué de béton et d’acier. Le béton a le rôle de résister à la compression et l’acier à la traction. Le béton est classé selon sa résistance C20/25, C30/37, etc.. Plus cette classe est élevé, plus celui-ci résiste à la compression.
Le béton est composé de ciment (liant hydraulique), de granulats (plus résistants que le ciment à la compression), d’eau et adjuvants. Lorsque le ciment est mis en présence d’eau, les réactions d’hydratation se développent et produisent la formation de cristaux.
Une fois coulé sur place, la résistance du béton suit celle du ciment. Au bout de 28 jours le béton est opérationnel.

Le béton résiste en moyenne 13 fois plus à la compression qu’à la traction.
Le béton se déforme instantanément une fois le coffrage retiré et continue à se déformer sur le long terme, ce fluage est caractérisé par son élasticité (module de Young E), quantité d’armatures, charges, épaisseur du béton, longueur en travée et type d’appuis.
Lors des séances de coordination, la question de la déformation du béton n’est jamais mise en cause et peut entraîner des problèmes de hauteur de plafond non respecté après décoffrage ou sur le long terme (ceci sera l’objet d’un prochain article).
Pour une meilleure compréhension de la composition et propriétés du béton armé ainsi que les caractéristiques des fissurations, je vous invite à lire ce rapport téléchargeable.
Les fissures de flexion :
Le béton est un matériau microfissure, résultat d’un mécanisme interne lié à sa prise : le retrait et à une faible résistance à la traction. Une fissuration est considérée pathologique quand son ouverture est supérieure à 0.3 mm, des infiltrations et migrations des agents chimiques peuvent se produire.
Après décoffrage, les techniques noyés en dalle affectent la capacité portante de la dalle en béton armé, il peut y avoir un risque de fissuration non contrôlé dans les zones statiquement sensibles à la suite de la pose de tubes de grands diamètres, entraînant une rupture de la zone comprimée (surtout si les tubes de grands diamètres sont posés en mi-travée de la dalle ou passant au-dessus des murs). Il n’y a pas que les tubes de grands diamètres qui peuvent engendrer ces genres de problèmes, de grandes concentrations de conduites électriques rapprochés peuvent entraîner les mêmes effets. Sur le long terme, l’apparition des fissures plus petites peuvent favoriser les l’infiltrations d’eau et les pénétrations des agent chimiques agressifs, il faut alors réparer les fissures, augmentant ainsi les coûts pour l’exploitant.
S’il s’avère impossible de passer les grosses conduites dans les zones statiquement moins sensibles, il existe des solutions :
- utilisation des armatures Basytube, l’ingénieur civil doit alors prendre contact avec l’entreprise Basytube AG.

armatures Basytube
Les fissures de cisaillement :
Les grosses conduites et les tubes électriques trop concentrés, passant proche des piliers ou proche des murs peuvent provoquer des fissures de cisaillement. Les contraintes de cisaillement sont trop élevées et non désirées dans le béton surtout s’il n’existe pas d’armature de cisaillement. Ce genre de fissure apparaît subitement et sans signes avant-coureurs pouvant entraîner la rupture de la zone concernée.
Souvent pour renforcer la zone autour des piliers et prévenir l’effet de poinçonnement, l’ingénieur civil prévoit des armatures de type Ancotech. Il est important de se réunir avec l’ingénieur civil dans le cas où les techniques passent proche du pilier.

armatures de poinçonnement Ancotech
En conclusion, il est très important que les projeteurs des techniques concernés aient des connaissances basiques sur la statique et comportement du béton armé, des formations de 1 ou 2 jours et un peu de pratique suffirait. Les entreprises et le coordinateur du projet devraient aussi mettre un point sur ce thème.
En tant que coordinateur pluridisciplinaire de projet, quand j’évoque ce type de problème, cette discussion est acceptée par les entreprises et ingénieurs civil. Les incompréhensions surviennent des chefs de projets et ingénieurs des techniques CVCSE dû à leur manque de connaissances sur la statique, ce qui entraîne des malentendus lors des échanges de coordination. Mon rôle consiste souvent à expliquer aux ingénieurs techniques qu’ils doivent éviter le passage de tubes dans certaines zones de la dalle, vérifier que leurs plans aient toutes les dimensions de sections de tubes.
Bien d’autres pathologies existent dû au passage des techniques CVCS dans les ouvrages. Une bonne compréhension de la construction dans sa globalité, des séances de coordination pluridisciplinaire efficaces sont les clés pour éviter ces problèmes. Ces autres pathologies feront l’objet de plusieurs autres articles.